jeudi 17 novembre 2011

La femelle adorée du merle noir


« Mais voilà, dans la vie, on fait des erreurs, il faut savoir se relever. C'est la première chose que j'apprends à mes enfants. » ETHAN HAWKE, Libé du jeudi 17 novembre 2011, page 30, à propos de son divorce avec Uma Thurman qu'il a trompée avec la nounou épousée ensuite et bientôt, à son tour, maman de ses nouveaux enfants.

ADRIEN. — L'art de se relever, de résister, est-il en rapport avec la peinture de l'invention, le roman de l'imaginaire, la danse de la création et l'obsession insupportable du moi contre soi ? Les harmonies, les échos des sentiments et des élans entre nous, luttes de pouvoir quasi musicales, sont le cadre ouvragés des pulsions dramatiques de la fiction, du rien, du vide, comme une pluie fine, douce, dans l'humus des provinces et des parisiens ce matin au Café le Bariolé après avoir déposé les enfants à l'école, Gena, Szergueï, Laurent, Solange, Alex, dessinant un paysage qui les absorbe…

SZERGUEI. — Se relever est une gymnastique quotidienne qui maintient sinon jeune, du moins attentif. Après, il faut se tenir debout, c'est une autre affaire.

ADRIEN. — Quelle gymnastique de l'attention ? Et les pulsions seraient une question, peut-être un moyen de se relever, de revivre, de vibrer à l'unisson avec la vie, et avec soi entre le possible et ce qui ne l'est pas, et tout ce qui s'effiloche ? Ces questions mériteraient une réponse après études qu'il est certes trop facile de bâcler ou d'ignorer. Je marcherai dans Paris au hasard. Puis je tombe sur la ligne 9, je ne le savais pas, qui me mène à la station Buzenval, ou Nation.

LA FEMME. — Et le hasard te conduira chez moi ?

ADRIEN. — Je me suis installé dans ton nid douillet, merle noir attendant merlette. J'ai ouvert les fenêtres, croisés mes jambes sur le canapé orange pour t'écrire et chanter mon amour en attendant, ma vie, l'instant présent désormais délivré. Merlette quittant son cours de chant, femelle adorée du merle noir à sa recherche.

LA FEMME. — Tu dessines avec les mots ; cette image, ce café, laisse-moi digérer. J'ai même acheté Libé ! Et demain, je reçois le Figaro du week-end, j'aurai donc les programmes d'Arte et je verrai bien tout ce que tu fais là-bas dans la journée.

ADRIEN, lisant. — « Les gens cabossés, blessés, fragilisés font les bons rôles. Surtout les hommes, car il y a beaucoup de pose chez eux. L'intérêt est de découvrir ce qu'elle cache. Les bons acteurs vous font toujours voir ce qu'il y a derrière la façade. » Attends, plus haut il y a une autre citation : « Quand j'ai compris que le film qui devait me donner des millions de fans ne serait vu par personne, j'ai pensé que c'était de ma faute à moi, parce que je n'avais pas été assez bon. Et ça m'a guéri de toute prétention. »

LA FEMME. — Quand voleras-tu de tes propres ailes…

ADRIEN. — « Depuis mon divorce, je suis revenu au théâtre, qui demande plus d'humilité que le cinéma et qui me donne une vie meilleure. »

LA FEMME, soudain paniquée. — Je suis très triste que mon angoisse ait pris le pas sur la joie que j'ai d'être avec toi, de te l'avoir fait subir, d'avoir mal réagi et que tu sois parti. Tu m'envoies plein de bonheur et d'amour que je n'ai pas su recevoir alors que nous avons tant besoin de nos bras, de notre soutien l'un et l'autre. J'aimerais te le dire avec toute ma tendresse et mon sourire.

SZERGUEI. — La vie te paraît insupportable, sans lui, certes, mais également avec lui, chaque jour, chaque nuit, c'est ça qui est terrible et fatiguant : tu le vois comme ton ennemi, ton point de vue quand vous êtes ensemble, en vacances, en semaine, et les week-ends. Cette situation ne lui convient pas.

ADRIEN. — Je n'ai pas à l'accepter, même si je ne sais quoi dire, ni quoi faire, puisque je suis amoureux… Une fois passé les tunnels d'angoisse et de souffrance, le temps et surtout le présent redeviendront-ils mon ami, et le tiens, notre bel allié ?

LA FEMME. — Tu as besoin d'une femme pour vivre heureux et libre !

ADRIEN. — Non pas pour me faire la guerre ou se sentir en permanence comme à l'école.

SZERGUEI. — Mal aimée, suspecte, agressée et sans cesse remise à l'ordre…

ADRIEN. — Et inversement pour vivre sous ton oeil critique, insatisfait, suprêmement réprobateur, impérieux et jaloux, c'est absurde, c'est insensé. Ce n'est pas ce que j'appelle un couple d'amoureux.

vendredi 4 novembre 2011

Topless Gender

infrarouge.chAlexandra Shevchenko, économiste et co-fondatrice de Femen :

« Lorsque n'importe quelle fille va protester, elle devient belle ; lorsqu'elle est topless, lorsqu'elle enlève ses chaînes, elle devient belle, magnifique, à l'intérieur et à l'extérieur. »

Une autre membre de Femen dans un spot quelques minutes plus tard :

« La grande différence entre les féministes occidentales et nous, c'est que nous assumons pleinement notre féminité : nous en faisons une arme de guerre ! En Occident, elles rechignent à utiliser leur corps et leur beauté pour atteindre leur but. J'espère que dans un avenir proche, on parlera des féministes comme des femmes belles et séduisantes, et non pas comme des femmes voulant ressembler à des hommes, reniant et dévalorisant leur féminité. »

Salika Wenger, conseillère municipale à Genève, à Femen :

« N'avez-vous pas l'impression que l'on vous regarde plus que l'on ne vous écoute ? C'est là que je suis un tout petit peu gênée. »

Salika exprime-t-elle sa peur en tant que femme ? Est-elle moins jolie qu'Alexandra, vraiment ? Est-ce un problème, le motif d'une guerre possible entre les femmes et les hommes ? Relisons notre manuel de développement personnel, p. 105 :

« […] Le guerrier possède le contrôle. Il ne s'agit pas de contrôler d'autres êtres humains mais ses propres émotions, son propre moi. C'est lorsqu'on perd le contrôle qu'on réprime ses émotions. La différence entre un guerrier et une victime, c'est que cette dernière réprime ses émotions tandis que le guerrier les réfrènes. La victime les réprime parce qu'elle a peur de les exprimer. Se réfréner n'est pas la même chose que de réprimer. Se réfréner signifie contenir ses émotions puis les exprimer au bon moment : ni avant, ni après. »

Don Miguel Ruitz est l'auteur des Quatre accords toltèques, Poches Jouvence, 2005, Thonon-les-Bains. Sur le même thème, il y a aussi cette nouvelle pièce de théâtre écrite par Nancy Hustion et créée à Lausanne ce mercredi 2 novembre, Klatch, avec Chloé Réjon, mais je crains que cette brouille entre les genres soient encore plus confuse et meurtrière sur la scène du Kléber-Méleau : Nancy et Philippe Mentha tombent dans le piège — et le public avec ! — de s'enfermer dans ce qu'ils veulent dénoncer. Nancy H* est-elle le clone, version intello, de Christine Boutin ? [Photos : Alexendra Shevchenko, et Klatch, créé le 2 novembre 2011 au Théâtre Kléber-Méleau, décor de Jean-Marc Stehlé.]