CHF avec Robert Frank, à Lausanne, en 1987 [photo de Jean Dieuzaide], à la grande époque du Musée de l’Elysée, qu'il dirige de 1982 à 1996.
St-Prex, le mardi 10 juillet 2012
Bien cher Jérôme,
pardon d’avoir tardé à t’écrire mon
sentiment. Mais j’ai été emporté par le flux verbal, par ce torrent qui empêche
de s’immobiliser et de faire le point comme on voudrait. D’autant plus qu’il y
a récit et donc réactions au propos, mais l’un arrache à l’autre. Pour parler
net, je suis déconcerté. Tu manifestes une puissance d’écriture qui convainc,
mais il y a toujours volonté de rupture. Et l’on se trouve à cours d'eau, à se
dire qu’il faut revenir sur ses pas pour bien comprendre, pour être sûr d’avoir
compris, pour se rasséréner d’intelligence, pour partager l’analyse qui suit
son cours, mais d’une manière si tourmentée qu’on en sort un peu ahuri et
déconfit. Ce sentiment de ne pas avoir tout saisi et donc le malaise. Oh !
je sais bien le malaise, tu sais le pratiquer et qu’y recourir participe de
l’ensemble. Je me sens en retrait et, reprenant le texte, je ne retrouve pas
toujours ce que j’y ai d’abord trouvé. Elise est-elle un chat ? Je n’en
suis pas convaincu. Elle me paraît aller dans tous les sens et de ce fait le
sens fait un peu défaut. Au termes des cinq épisodes, je m’interroge. Mais
j’insiste aussi sur mon admiration pour le flux du propos, ce monologue plutôt
qu’un dialogue. Tu parles, tu parles et, comme je l’ai dit, on est emporté en
fétu. C’est après tout ce que tu as voulu et donc réussi. Sache que tu me
troubles profondément. Il est vrai qu’à ce que tu dis, il faut ajouter les
images. Et, sans doute, alors, tout devient clair et limpide.
Tiens-moi au courant de
l’avancement du projet filmé. Et, à bientôt, pour être intelligible.
CHARLES-HENRI FAVROD
P.S. : Sais-tu qui
prétend posséder les droits du Chagrin ?