lundi 27 juin 2011

L'écriture-talisman

C'était horrible ce matin à la médiation. Nous avons mimé la scène du crime, j'ai rejoué la scène quand S* me frappe, les rôles inversés puisque je suis un écrivain de GENDER FICTON — le médiatrice faisait des ronds avec ses yeux en criant : « Monsieur, non Monsieur ! » —, et de prévoir un RV cette semaine chez un notaire afin d'estimer les dégâts entre 10'000 et 50'000 €, un accord au sujet du rachat du studio, avec ou sans plus value l'homme n'est pas une banque. S'il y a un psychiatre valide sur scène à Paris, dans la salle, il servira d'arbitrage jusqu'au magnifique K.O., à la Scott et Zelda Fitzgerald, après douze ou treize rounds sur vingt-quatre ans… Les poches vides et l'âme en peine, à la rue, le Minotaure à New York m'ouvrira sa porte et nous fairons les comptes. En attendant, là, au Chat Noir ce lundi, il est midi, je sirote un demi pour me calmer... Caliente à Belleville ! Le chat jaune ne passe pas inaperçu, mais reste une énigme, Jom. Gender fiction, une femme faite homme pour danser, rivaliser avec lui, et inversement.... Vue du studio une semaine avant les vacances d'été sans mes enfants en juillet, plan serré sur les derniers volumes du journal — Naissance et renaissance au studio, IV, L'homme domestique, V, etc.et les neuf tomes de la Correspondance Générale, quand la fiction est une frontière, une illusion à revoir et à briser dans la réalité, que le don de soi, la présence, les échanges et l'attention transcendent et enrichissent. Les connaissances académiques, rationnelles, relationnelles, s'animent sous l'influence d'un ordre initiatique et ainsi parlons-nous, alors, d'écriture-talisman.

lundi 13 juin 2011

Message à François Regnault

De Lausanne à la Pentecôte ce lundi 13 juin, je relis ton message François. As-tu lu le livre de Franck Demules ? Il m'a dit qu'il t'a envoyé Un petit tour en enfer, l'as-tu reçu par la poste ? L'homme est venu avec sa fille à la lecture, Pandora, qui est voisine du Chat Noir, ainsi que du studio-garçonnière où je vis… Cette première lecture, 19h30 mardi 31 mai, était un succès. Il y avait un réalisateur de Arte, François Vautier, qui travaille avec le scénariste de Claire Denis, l'amie de Koltès sur la fin, d'après ce que j'ai compris, pour le dernier voyage en Afrique, au Portugal, je ne me souviens plus. Le réalisateur a eut ces mots :

« Merci J*, c'était prodigieux ! »

Tu y crois, toi ? Ben si, prodigieux, c'est ce qu'il a dit… Peut-être travaillerons-nous ensemble à partir d'un fait divers dans un journal, comme Truffaut, Libération en l'occurrence, en février, que j'ai sélectionné et adapté pour lui. C'est devenu une série de Sonates italiennes pour une fuite. L'histoire d'un type dans un bureau — Pascal Greggory ? —, interrogé par une équipe de spécialistes tandis que personne ne parvient à savoir ce que sont devenus ses deux enfants, sinon en imaginant le pire. J'adore François Vautier, ce qu'il me raconte sur l'art contemporain quand il travaillait dans ce milieu, ses réflexions d'amateur de Science-Fiction, ses ambitions d'esthète obsédé par des images à vendre, comme un bon vieux catholique le dimanche. Il y avait un comédien libanais avec les yeux verts du narrateur dans les contes, Raymond Hosni, proche d'Adel Hakim au Quartier d'Ivry, qui a beaucoup aimé lui aussi :

« Qui disait que ce n'était pas du théâtre ? — Philippe Adrien, le directeur de la Tempête… — Et bien s'il avait été présent ce soir, cet homme-là aurait vu comme moi ce que j'ai vu ce soir. Jom, ce que tu écris est vivant, mobile, inattendu ! Merci Jom, c'est revigorant de voir ça ! La culture, c'est banal en France. Je sens ici une matière de contrebande, de la vitalité, une énergie à partager. Je ne comprends pas tout, mais je ne suis jamais perdu, c'est ça qui est bon ! »

J'observais la tranquillité mystérieuse de l'homme en me parlant, son esprit élevé autrement qu'au poison rationnel de l'Occident. Au coin d'une rue au hasard à Belleville, fumant sur le trottoir, les bruits autour de nous étaient ceux d'un nuage cotonneux, comme dans un caisson noir, un utérus, plongé dans l'eau salée. D'un bout à l'autre de la soirée, Franck nous payait des verres, distribuant son vieux regard triste et fatigué de pirate, et l'équipe artistique se régalait après l'effort. Avec sa veste en forme de cape brouillant les cartes et l'attention de Laure, ma comédienne dont le gabarit est celui d'un garçonnet, d'un oiseau grisé à la folie et l'intensité d'Isabelle Huppert, la confession de Franck était un hommage :

« Toi, petite chanteuse, tu me donnes envie de lire avec toi sous des sunlights anonymes ! »

Laure citant l'Ave Marie Stella de Genet dans la cave du Chat Noir nous avait fait vibrer à la première lecture, un moments rock & roll de la soirée. La seconde, celle de 22h00, à laquelle participaient Jean-Marie-le-psychiatre — le copain de François Sauvagnargues, Arte —, Benjamin-le-cuisinier, et Jérôme-le-spécialiste-du-Talmud, fut plus terrible, plus froide. Les comédiens étaient-ils finis, brûlés par une grâce impossible à retrouver ? Le doute s'insinua dans l'esprit de Bastien qui faisait Forban, Bastien d'Asnières — cf. Avant que j'oublie de Jacques Nolot, la petite gouaille pour enculer JN et palper le billet jaune en échange. Nous avons perdu une bonne demi heure en attendant Louis-Do qui devait venir après une journée de tournage. Comme j'aime beaucoup Louido, j'ai pris sur moi de faire attendre les comédiens, mais c'était une erreur de les faire ainsi mariner dans la soupe froide de l'angoisse. L'admirateur d'Andrea Montegna au Louvre lors de notre première rencontre devant la Comédie Française pour lui remettre Dans les yeux turquoise du Minotaure, fataliste du goût royal relativement à l'école de la République, Louido ne vint jamais… La demi-heure en bas ce soir-là, dans le froid, eut raison de l'enthousiasme artistique des comédiens et de leur volonté. Adorable princesse Messidor, Laura ce 31 mai 2011 entre 22 et 22h30, Marie-Antoinette étendue sous mon imperméable pour se tenir chaud, ignorant les trente-huit ans réglementaires et historiques de la reine en 1793, semblait attendre le coup de guillotine trop tôt dans sa vie. Oui, la seconde lecture fut un désastre, le magnifique naufrage des ultimes tentatives, désespérées, sans foi ni loi. Caterina Gozzi, qui était là également pour le Bain d'Hector ce 29 mars, par ses critiques acérées de metteur en scène super douée — cf. Le vertige des animaux avant l'abattoir à l'Odéon… —, ses réticences de femme bien qu'élogieuses, dépeça la vieille carcasse de notre résistance et de nos efforts. Nous arrivâmes alors au point de non-retour, une heure après le dernier métro, les poches et l'estomac vide. Bastien, Laure et moi étions des proies faciles, Paris nous accueillant dans le silence de ses rues désertes et l'indifférence. Comment tenir dans de ces conditions ? Aucune nouvelle des producteurs Thierry Bizot, Laëtitia Gonzales, Yvette Mallet, Jacques Perrin, etc., concernant le projet Pascal Greggory, Je suis l'Indien, que doit réaliser Bruno Joseph Roy. C'est marrant, quand je discute de ce projet avec les décideurs, l'avis favorable de Pascal n'est jamais évoqué, comme si son travail et ses références depuis tant d'années n'avaient aucune valeur et ne signifiaient rien. Bizarre, non ? Comment expliques-tu ça, toi, François ? Comment séduire, convaincre et faire bouger les dominants, s'ils ne réagissent pas, autrement que par la violence ? A propos de Vengeances, Galliamard, Philippe Djian dans Le Matin Dimanche ce 12 juin 2011, p. 60 :

« Le rôle de l'écrivain est de travailler une langue, pour mettre au point un outil de communication le plus précis possible par rapport au monde dans lequel on vit. Si on n'a pas ce moyen de communication, on devient forcé d'utiliser ses poings. C'est là, le travail très important de l'écrivain. Jusqu'à la fin, je défendrai cette idée qu'un écrivain sérieux ne doit s'intéresser qu'à la langue. »

Ai-je assez travaillé mon outil de communication, le flux, mon attention, et la tempérance de mes émotions canalisées, tranchantes comme une lame ? Garder le cap, le couteau coincé entre les dents, tenir le choc de voir Pascal dans le Jom Fosse cet hiver au Théâtre de la Ville. Ce mec est un Tyranosaurus Rex, un prodige, un artiste hors pair. Comment pourrions-nous progresser si les producteurs et les directeurs de théâtre n'en conviennent pas ? Sont-ils aveugles et sourds ? PERSONNE n'osant aucun auteur vivant non publié, ils affirment d'une seule voix : Céline, Beckett, Genet, Duras, Koltès… un auteur mort est un auteur propre ! Cher François, la relecture de La théorie du sable et de la vague t'était dédiée ce jour. Ton amitié, l'avis favorable de Pascal, c'est la lune que je décroche et j'en suis heureux hors de toute proportion. La vie est ailleurs, traits inespérés dans la marge, nous y sommes. J'irai à la première mardi à Lausanne de John Gabriel Borkmann d'Ibsen, au Kléber-Méleau, par Thomas Ostermeier et Marius von Mayenbourg. Pour un budget d'environ 400'000 CHF. Je verrai bien s'il reste un ou deux billets roses entre les fauteuils, afin de me payer un sandwich. Si je ne trouve rien, j'aurai une autre idée, pourquoi s'en faire ?
Jommfully yours

samedi 4 juin 2011

Lectures du mardi 31 mai 2011

La théorie du sable et de la vague, par Pauline Tanon & Jom Roniger, avec Laure Carrale et Bastien d'Asnières dans les rôles du Mousse et du Capitaine Forban. Une pièce en hommage à celles et ceux qui préfèrent la vie à toute autre action dans la vie, sans pour autant se négliger et négliger quiconque. Réaction d'une spectatrice à la séance de 19h30 :

« Merci à vous quatre, de nous avoir offert cette lecture audacieuse, hors des sentiers communs. Ça fait du bien de savoir que de belles âmes sont là pour nous faire ressentir des émotions latentes qui, grâce à la magie de l'écriture, viennent nous surprendre, parfois, là où personne ne s'y attend. Des bises sablées derrière le hublot :-) Sibylle. »

Lectures au Chat Noir, 76 rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris, à 19h30 et 22h00, mardi 31 mai 2011. Durée, 58 minutes.