samedi 28 avril 2012

Lettre à Christine Boisson

Paris, Belleville, samedi 28 avril 2012 — Chère Christine B*, ci-joint les premiers épisodes de notre série intitulée REAL SEX. Le tournage des épisodes 0 et 1 est prévu fin juin, début juillet. […] Tu ferais un duo intéressant avec EVELYNE DIDI qui tient le rôle du psy dans la série, MADAME CHEREAU, mais le SPY est-il une femme ? Celle que j’ai admirée hier soir dans Tokyo Bar ? Est-ce un homme tel que ANDRE S. LABARTHE qui est un ami depuis vingt-cinq ans ? Il y a vingt-cinq ans, tu me rappelais Christine pour ce court métrage intitulé Lausanne-Palace, avec Terzieff dans la distribution. Revenons au spectacle hier. J’aime surtout la première partie, la fin n’est pas la bonne, à mon humble avis, tordant le sens de la pièce ou, du moins, son interprétation. Celle que je m’en fais en tant qu’écrivain et amateur de Tennessee. Pourrais-je stp en parler avec toi ? Il s’agit de la fragilité de ton personnage, de son amour pour Mark, et de son besoin compulsif de tout maîtriser. Mark n’est pas réduit à son impuissance sexuelle, ni sa déchéance. En tant qu’homme et en tant qu’artiste, je ne crois pas que Mark ne soit qu’une épave. Il est au contraire un ovni, un cosmonaute sacrifié par la puissance de son génie, de ses visions, son courage, mais surtout par le pragmatisme de la femme qu’il aime passionnément. En rivalité avec lui, ce pragmatisme est un piège qui les sépare. D’ailleurs, ce pragmatisme nuit également à Miriam. Cette femme en est consciente, elle aussi. Ce détail n’est–il pas émouvant, qu’en penses-tu Christine ? Cette pièce magnifique, épurée, est emblématique. Plus loin, la question du cerce de lumière, prépondérante bien sûr, se donne littéralement dans la mise en scène, avec un projecteur, alors que cet aspect étrange du texte devrait s’éclairer, se travailler sous l’angle de ton personnage. C’est le vieux fan, réactivé dans la seconde hier soir, qui te parle ce matin. Christine, tu joues merveilleusement, ta voix, tes façons, ta présence. Alors oui, ne m’en veux pas si j’ose t’en demander plus encore.  La mise en scène est certes brillante et efficace, mais elle n’émane pas d’un artiste qui, je cite de mémoire, met sa vie en jeu, comme l'écrit Tennessee. Routiniers des officines post-culturelles, le metteur en scène et le traducteur ne sont que de brillants bureaucrates, tout comme Philippe Adrien qui dirige la Tempête. Tokyo Bar me hante autant que tout ce que j’écris. Tu comprendras de quoi je parle en lisant Des mains comme des crabes sur le corps de ma voisine, qui est une nouvelle, puis REAL SEX. Le SPY entre en jeu dans l’épisode 3, au moment d’un repas chez l’ANALYSTE, madame Chéreau. C’est une vieille amie du père d’Elise, JOEL, interprété par PASCAL GREGGORY qui surgit, de biais, dans l’épisode 0. Cet épisode n’existe que sous forme d’ébauche aujourd’hui. […] Réalisation, Jean-Cédric Rimaud. Production, Romain Guilbert. Distribution, Evelyne Didi, Greggory, Eriq Ebouaney, Vanessa Aiffe. Musique, Camille, Jean-Louis Murat. Chef opérateur, Gordon Spooner qui débute aux Amandiers en 1981-83, peut-être l’as-tu déjà croisé ? A bientôt, car j’aimerais revenir te voir à la Tempête. Jeance — Jean-Cédric Rimaud — est un homme absolument unique. Tu vas l’adorer. Vous êtes fait pour vous entendre. JOM