
1 — Ce que je représente n'existe plus. Que la jeune fille, et l'homme à maturité. La femme archaïque n'existe plus. Que la chaire pour enfanter, et la chaîne des générations. Je n'existe plus : j'ai envie, je me sens vide, mais il ne faut pas me toucher. Est-ce mon imagination ? Je veux rompre la chaîne des générations. L'homme existe, mais la femme, elle, n'existe plus. C'est bien trop dangereux une femme. L'amour me trouble, car je suis souffrante et désaxée. Je suis cassée. Je suis le portrait exsangue de moi-même. Je suis la femme cubiste. Je me sens comme une femme dans un tableau cubiste de Pablo Picasso. C'est moi, délibérément, qui me suis cassée. Dans Le Monde du lundi 28 juin, Nancy Huston souffre D'une étrange cécité. Ce sont les Nouvelles invisibles de l'Iceberg intérieur, invisibles forcément, il n'y a rien d'étrange, comme si le combat était d'avance perdu, et Nancy est devenue sourde. Je me sens brisée en mille morceaux. Le désespoir de notre société s'est insinué en moi, comme une graine et je fleuris, et je me flétris. De l'intérieur, j'implose. Je suis un morceau de carne découpé sur un étale. Ainsi découpée en mille morceaux, il n’y a plus personne… La pulsion vient de l'intérieur, mais je n’en ai plus, car je suis absente à moi-même. Le désir vient de l'extérieur.


3 — Je cours derrière mon identité comme derrière une calèche ou un Tramway, dit le poète. Sur une scène de théâtre, au Louvre, dans les repas de famille, sur les quais le dimanche, n’importe où dans Paris aujourd’hui, je ne m'aime pas… Aucun homme ne peut m'atteindre, mais te voir souffrir, et tirer la langue devant moi, oui, j'aime ça… Pourquoi suis-je la femme cubiste ? Parce que j’ai plusieurs angles. Si un homme me désire pour ma beauté, je veux qu'il souffre avant des années, comme moi, dans un espace exsangue et la fortune de mon vagin comme un tableau cubiste. Etc. Et de connaître, avant son envole, ce qu'il faut de pesanteur à la légèreté. Par curiosité ou par ennui. Le poète est le seul à oser couper la branche sur laquelle il est assis. Une fois qu'il sera tombé, cet été 2010, je l'emmènerai avec moi. Sur une plage, au soleil, pour le requinquer. I don´t care if it´s a very small room or a big chateau, as long as he’s in it.